Les H-Men : une anomalie génétique couplée à la technologie pour de supers pouvoirs

Nous sommes en 2055. Je suis encore épaté et abasourdi par la manière dont nous en sommes arrivés là. Laissez-moi vous raconter.

Au début des années 2000, ils disaient que nous avions 1 « chance » sur 100000 d’avoir un enfant touché par ces anomalies génétiques. Cela engendrait des handicaps de formes différentes. Le mot « chance » était alors très ironique. Vivre avec un tel enfant n’était pas chose facile et ils étaient globalement rejetés par la société de l’époque. Obnubilé par le culte de la performance et de la beauté codifiés par des prérogatives commerciales, personne ne pouvait logiquement avoir le moindre intérêt pour ces enfants diminués. Comme bien souvent, le plus grand des trésors est souvent devant nos yeux.

Pourtant, aujourd’hui, tout le monde rêve d’avoir un tel enfant. Les parents s’entretueraient presque pour adopter un enfant que l’on appelait autrefois handicapé ! Les guillemets ont disparu autour du mot chance. Il a repris son sens premier. En effet, le potentiel inouï des H-Men fait rêver : télékinésie, téléportation, télépathie. Sans compter bien sûr toute la nouvelle génération de scientifiques à l’origine des plus grandes découvertes récentes. Comment aurions-nous pu prévoir que la technologie révèlerait cette étape incroyable dans l’évolution de l’humanité ?

Aujourd’hui encore, nous ne sommes pas sûrs des raisons ayant provoqué ces mutations génétiques. Est-ce une évolution de notre espèce comme nous l’a appris Darwin ? Ou est-ce le résultat du désordre causé par l’homme si primitif du début du 21ème siècle ? Pollution, accidents nucléaires, nourriture contaminée ou génétiquement modifiée, alcool, drogues, ondes électromagnétiques. Il y a tellement de facteurs qui ont pu changer l’ADN et être la source de cette évolution. Le plus troublant est que, pour la première fois, ce qui était considérée comme une mutation engendrant une branche déficiente s’est finalement vu se transformer en une branche plus évoluée. Darwin n’avait pas prévu qu’une mutation vue comme mauvaise de prime abord puisse être bien plus puissante grâce à l’apport de la zeptotechnologie.

Pourtant, avant l’arrivée de la reprogrammation neuro-zepto, l’être humain avait déjà quelques cas qui auraient pu lui mettre la puce à l’oreille. Dans la vaste panoplie de désordres autistiques, il existait une variation appelée autisme de haut niveau ou syndrome d’Asperger. Les enfants touchés par ce phénomène avaient souvent des capacités hors normes au détriment d’autres plus élémentaires : oreille absolue, mémoire visuelle exceptionnelle, imagination repoussant les limites des hommes dit valides à l’époque. Nous les appelons aujourd’hui communément : hommes limités. Nous avions sous les yeux un des premiers exemples de l’évolution de notre cerveau. Mais plutôt que de développer leurs capacités, nous nous efforcions de les faire rentrer dans notre moule ordinaire qui était bien trop petit pour accueillir leur immense potentiel.

Alors, rappelons-nous comment tout cela est arrivé. Le point de rupture fut certainement notre maitrise de l’ordinateur quantique et de toutes les technologies attachées comme le stockage holographique. Ce bond scientifique fut sans aucun doute la source de tous les progrès récents que nous connaissons.

Nous avons eu certes besoin d’un peu de temps pour sortir de nos schémas de pensées associés à la bonne vieille puce silicium pour passer à l’ère quantique. Revoir la manière de concevoir le matériel mais surtout de concevoir le logiciel. Une génération entière de développeurs fut sacrifiée du jour au lendemain, incapables de s’adapter à ce changement si structurel. Nous n’aurions jamais pu imaginer l’incroyable pouvoir de l’ordinateur quantique. L’accélération fut ensuite exponentielle.

Tout d’abord, l’ultra miniaturisation a permis la conception, en 2024, d’exosquelettes ultra performants et presque « intelligents » pour aider les personnes handicapées. Equipés des systèmes QuantaDreams, ces machines étaient capables d’anticiper les besoins de son hôte grâce à des connexions synaptiques sans fils. Ces exosquelettes, originairement conçus pour l’armée bien entendu, ont permis de donner une autonomie complète aux personnes à mobilité réduite. Bien sûr, les progrès de la neuro-technologie a permis un peu plus tard, en 2028, de tout simplement réparer les para et tétraplégiques en mélangeant nanotechnologie et cellules souches. Mais cela n’adressait que les problèmes psychomoteurs et non le fonctionnement même du cerveau. Il fallut attendre un peu plus longtemps pour s’occuper réellement de la pièce la plus mystérieuse et complexe de notre corps. Il a fallu basculer de l’ère de la nanotechnologie à l’ère de la zeptotechnologie. Technologie que nous aurions probablement été incapables de produire sans l’aide de Korta et de la magie quantique.

C’est ainsi qu’en 2029, l’intelligence artificielle Korta passe avec succès l’ensemble du test de Turing et marque l’histoire de l’informatique. En 2035, la même intelligence artificielle est capable de s’auto-améliorer en concevant elle-même du meilleur hardware et en réécrivant ses algorithmes pour les adapter à ce nouveau matériel. Sa croissance fulgurante et le pouvoir qu’elle détient alors sur nos vies fait naturellement de plus en plus peur. Mais les mécanismes de sécurité que nous avions mis en place pour nous protéger nous-même face à la machine ont toujours fonctionné.

Heureusement, Korta fut avant tout conçue par des civils pour améliorer l’humanité. Et jusqu’à présent, elle semble s’y tenir. Après avoir réglé la plupart de nos problèmes de santé, alimentaires et diplomatiques en 2042, il était temps de lui demander de s’occuper de nous directement : nous améliorer. Cette demande était motivée par plusieurs objectifs. Tout d’abord, les pouvoirs politiques étaient de plus en plus inquiets de voir une intelligence artificielle et des machines plus performantes que l’être humain. Depuis le temps que l’on nous dit que le cerveau humain n’est qu’à 10% de ses capacités, cherchons s’il y a moyen d’augmenter ce chiffre et de nous rendre plus performant. Peut-être serions-nous en mesure de dépasser à nouveau les machines que nous avions nous-même créées ? Ne serait-ce pas justice, qu’en échange, ces machines nous améliorent à leur tour ?

Une autre raison, anecdotique pour beaucoup, concernait les handicapés mentaux, épileptiques ou souffrants d’anomalies génétiques engendrant des polyhandicaps sévères. Cela donnerait une bonne image au programme de recherche. Par ailleurs, depuis que le président des Etats-Unis a vu son fils touché par une anomalie génétique, on bassine bien plus qu’avant nos chercheurs sur la prise en compte du handicap dans les applications potentielles livrées par Korta. Elle fut donc programmée en partie pour cela également, même si cela allait user des cycles de calculs pour rien selon une partie de l’opinion publique. Ainsi, si par chance cela pouvait aider certaines pathologies à être mieux contrôlées, tant mieux. Sinon, tant pis. De toute façon, l’humanité avancera sans ces êtres diminués qui nous ralentissent.

Korta, après plusieurs mois de recherches et calculs intensifs, commença par comprendre une fois pour toutes le fonctionnement du cerveau humain. La deuxième étape consista alors à trouver les défauts de conception expliquant cette limitation à 10% chez la plupart et montant à 15% chez les plus grands génies. C’est ainsi qu’elle mit au point ce que nous allions appeler la reprogrammation neuro-zepto. A l’aide de composants plus petits que nos neurones et synapses, elle a réussi à changer le schéma électrique et chimique global de nos cerveaux, pour les optimiser. Les simulations semblaient prometteuses ! Il était temps de passer aux tests sur des sujets vivants.

2044, après des tests concluants sur des singes, l’OMS donne son feu vert pour tester la reprogrammation neuro-zepto sur un patient humain volontaire. C’est un échec cuisant. Après avoir temporairement amélioré ses performances de manière spectaculaire pendant quelques jours, atteignant le seuil de 50%, son cerveau n’a pas tenu le coup. Douche froide. Cela eu bien sûr pour effet de stopper les tests pendant quelques temps. Cependant, à force de calculs et de simulations, Korta en arriva à la conclusion suivante : elle ne pouvait pas pousser les limites de la reprogrammation neuro-zepto au-delà de 20% sans effet létal. C’était déjà bien ! Une armée de super génies potentiels ! Oui, mais toujours bien moins performants que les machines… et de Korta elle-même.

Ayant participé au programme Korta et suivi de loin le programme neuro-zepto, j’ai eu la chance de pouvoir parler de mon fils Nathan au PDG de QuantaDreams. C’était lors d’une soirée privée à Atlanta qui reconnaissait la performance de certains employés de l’entreprise. Faisant l’obligatoire tour des lauréats, il finit par se poser face à moi. Après m’avoir demandé ce qui justifiait ma présence ici, le PDG me demande alors quel est mon plus grand rêve en tant qu’employé de QuantaDreams. Une question bateau et sorte de leitmotiv de la boite : « repoussons nos rêves grâce à la magie quantique ». Il me tend une perche, je la prends immédiatement ! Lui rappelant une autre raison d’être du programme, les handicapés, je lui demandais l’autorisation de confronter l’avis de Korta au cas de mon fils. Voilà quel est mon plus grand rêve. Par ailleurs, le programme était de toutes façons en perte de vitesse, il ne risquait pas grand-chose à me laisser jouer avec. Un peu surpris par mon audace (rares sont ceux qui répondaient vraiment à la question du PDG), il me prit un peu à part et me dit : « c’est gonflé comme demande, mais cela me plaît. Je m’occupe de cela rapidement. ».

J’ai donc eu la chance d’avoir accès aux cycles de calcul hors de prix de Korta. L’objectif était simple. Ne pas faire de mon fils cadet un génie, mais juste de trouver quelques améliorations pour lui donner un coup de pouce dans la vie de tous les jours : manger par lui-même, améliorer la communication, le rendre propre. Korta était convaincue que cela ne lui poserait aucun problème. Je travaillais donc avec elle et à l’aide de mon autre fils, Mathieu, brillant scientifique, à la création d’une reprogrammation neuro-zepto spécifique à Nathan. On décide alors ensemble de baptiser ce sous-programme H-Men pour Handi-Men. Cela nous amusait car nous étions tous deux fans de super héros. Si seulement nous avions su.

2046, pour fêter les 40 ans de Nathan, on se décide de se lancer. Les simulations donnent un risque négligeable de danger pour mon garçon. Par ailleurs, son frère est plus convaincu que jamais et avec les années, il est devenu bien plus brillant que moi. Je lui fais donc une confiance totale. Avec l’accord de sa mère, on applique donc la reprogrammation sur Nathan conçue par Korta et revue par Mathieu et moi-même. Et le résultat fut… juste incroyable ! Ce n’était plus un coup de pouce mais un saut stellaire. Le premier des H-Men était né.

Nous commençons à mieux comprendre pourquoi la reprogrammation neuro-zepto fonctionne tellement mieux sur des patients comme Nathan que sur un être humain classique. Les mutations génétiques comme celles de Nathan entrainaient des symptômes visibles défavorables : grandes difficultés pour l’acquisition de la marche, communication quasi-inexistante, retards mentaux importants. C’est bien simple, Nathan, à 8 ans, avait été testé comme disposant d’une évolution psychomotrice d’un enfant de 10 mois. Alors, c’est sûr, vu comme ça, c’était mal barré. Oui mais on explique maintenant pourquoi. La mutation NRH du gêne 22 apporte une modification particulière du cerveau qui était invisible à l’IRM et autres moyens d’analyses externes. Là où un cerveau classique utilise en effet 10% de la masse du cerveau pour des neurones et le reste pour alimenter ces neurones, Nathan avait 70% de son cerveau mobilisé pour quelque chose que l’on estimait inutile et 30% pour alimenter l’ensemble. Son cerveau avait passé son temps à gérer quelque chose d’étrange au détriment de fonctions élémentaires comme la marche ou la parole. Korta n’avait eu aucun souci à fournir ces fonctions si rudimentaires avec la zeptotechnologie. Cela prenait très peu de place dans le cerveau. Korta réussi également à décloisonner cette zone étrange de 70% pour la connecter au reste du système. Résultat : la parole fraichement acquise et la libération de cette zone étrange que l’on appelle l’hyper-cerveau nous livra une intelligence spectaculaire. Ainsi que des supers pouvoirs : télékinésie et télépathie dans le cas de Nathan.

2 théories expliquent pourquoi la reprogrammation neuro-zepto est plus adaptée au cas comme Nathan que pour nous, simple être limité. La première indique que la structure de leur cerveau utilise moins d’espace pour « l’alimentation » que chez nous : 30% au lieu de 90% chez nous. Il est donc nettement plus aisé de reprogrammer l’espace disponible du cerveau pour des fonctions nobles, le tout sans danger. La deuxième, poussée par les psychologues, est liée au vécu. Depuis leur tendre enfance, ces enfants ont eu l’habitude de lutter, d’affronter la douleur, de gérer la frustration de voir enfoui au fond d’eux ce formidable potentiel ignoré de tous et sous-exploité. Par exemple, dans le cas de Nathan, il a visualisé pendant des années les objets qui l’entouraient et les déplaçait mentalement. Le jour où Korta a libéré son hyper-cerveau, la télékinésie était une suite logique finalement.

D’autres cas furent mieux expliqués et mieux traités. Certaines épilepsies étaient dues à des fuites électriques de leur hyper-cerveau vers le reste. Korta fut en mesure de mieux contrôler la barrière entre les 2. Les hyper-épileptiques sont d’ailleurs souvent dotés du pouvoir de téléportation après reprogrammation neuro-zepto. On ne sait toujours pas pourquoi. Mais croyez-moi, c’est très surprenant !

Cela fait maintenant presque 10 ans que les H-Men vivent parmi nous. Certains d’entre eux sont nettement plus intelligents que Korta. L’objectif a donc fini pas être atteint. Ils ont résolu en quelques années des problèmes que l’on pensait insolvables. Ils ont créé un bouclier magnétique autour de la Terre pour palier à la disparition de la couche d’ozone. Ils ont expliqué et prouvé l’existence des multivers. Ils ont conçu l’énergie absolue en maitrisant l’antimatière. Ils nous ont donc offert les premiers voyages interstellaires.

Mais avec le recul, ce qui m’amuse le plus est que les plus puissants des H-Men sont en fait des H-Women. Et le plus souvent des femmes noires ! Comme si cet immense pouvoir était ancré depuis des millénaires dans notre ancêtre commun à tous. C’est un véritable pied de nez à notre histoire.

Ne négligeons jamais les êtres qui nous entourent et qui nous paraissent les plus faibles. Ils représentent sûrement, en partie, notre avenir.

7 réflexions au sujet de « Les H-Men : une anomalie génétique couplée à la technologie pour de supers pouvoirs »

  1. Je n’aime pas trop la science fiction mais vivement 2046 pour que je puisse voir cela, c’est dans trente ans presque, donc peut être que je serais encore de ce monde 😉 qui sait…..

    Cependant, j’espère que tu te trompes et que la science aidera Nathan bien avant cette date
    Mum

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  2. Il ne reste qu’à proposer cette histoire à Steven Spielberg et utiliser les gains du blockbuster qu’il en fera pour financer les recherches et permettre à Nathan de déplacer sa figurine de Yoda bien avant ses 40 ans !

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  3. Ping : L’IA et la fin du Silicium : introduction aux ordinateurs quantiques – David Rousset

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