Sentir, percevoir, communiquer

Communiquer avec son enfant, un besoin vital pour les parents. Une chose tellement naturelle pour la plupart d’entre nous, à laquelle personne ne pense vraiment de manière consciente et pourtant si difficile pour nous avec Nathan.

Comme je vous le disais dans mon premier article de ce blog, Nathan au début ne souriais pas, ne pleurait pas, ne nous regardais pas. Il était comme dans un univers parallèle au notre. Une terrible et infranchissable barrière nous séparait de lui. J’avais l’impression qu’il vivait dans une bulle sans sentiment, qu’il était seul et triste dans ce monde rempli de ténèbres.

Mais nous ne sommes pas genre à baisser facilement les bras dans la famille ! Je vais donc vous expliquer comment j’ai essayé de faire face de mon côté et tout ce que Nathan a pu m’apprendre en échange.

Les émotions fortes passées, j’ai donc commencé par analyser, en tant que bon vieux cartésien, comment je pouvais transmettre des informations à Nathan. Ce que je savais : il entendait bien, je pouvais le toucher malgré son autisme et sa vue fonctionnait correctement, bien qu’il ne semblait pas me voir. C’est d’ailleurs très étrange comme sensation de savoir que votre enfant voit bien mais d’avoir pourtant l’impression d’être totalement transparent face à lui.

Voilà, pour l’analyse rationnelle de la chose. Oui mais de l’autre côté, le bonhomme est dans toute sa complexité. Comment anticiper la chimie de son cerveau ? Comment est-il capable de percevoir ce que lui transmettent tous ses sens ? Pourquoi n’a-t-il pas la force de venir vers nous ?

Le premier réflexe n’est pas forcément le bon. On essaie d’appliquer, voire pire, d’imposer ses propres règles. Comme on peut le faire d’ailleurs dans la vie de tous les jours lorsque l’on essaie de manipuler les autres pour les façonner à notre envie. Oui mais Nathan est hermétique à tout cela. C’est à vous de vous adapter à lui, pas à lui de s’adapter à vous. Son harmonie intérieure fut tellement bousculée, aucun des codes que je connaissais ne marchait sur lui. Il fallait donc être créatif, inspiré et lui faire confiance. J’ai dû basculer d’un mode réfléchi, rationnel à quelque chose de plus émotionnel.

Emotions. Voilà, c’est cela que je dois générer en lui. Les émotions sont la base de tout chez nous. Nous passons notre temps à les contrôler pour vivre en société, à les refouler. Mais elles sont pourtant si importantes à écouter.

Alors, je me suis projeté à la place de Nathan. Chacune de ses crises le plongeait dans un horrible chaos. J’imaginais dans sa tête une nuit sombre, un océan déchaînée par de terribles vagues, une tempête néfaste et dangereuse. Et lui, seul sur son petit radeau, totalement perdu et effrayé. Il fallait trouver la lumière qui le guiderait. Il fallait trouver quelque chose pour le rassurer.

J’ai donc cherché à lui provoquer des émotions. Et c’est ainsi que j’ai commencé à lui chanter des musiques. Et tout particulièrement la musique de la comté du Seigneur des Anneaux. Cette musique me transporte. Elle m’inspire l’exact opposé de Nathan seul sur son bateau de fortune. Elle me donne des frissons, me provoque des émotions fortes. Je me souviens lui avoir fredonné cette musique dans son lit à barreaux à Necker en le prenant dans mes bras. Je pense que cela me faisait autant de bien à moi qu’à lui.

Puis ensuite, je me suis mis à lui chanter/fredonner le moindre air qui pouvait me passer par la tête, surtout pendant le bain où Nathan est particulièrement détendu. Je testais ensuite de multiples variations : plus dans les aigües, plus dans les graves, je décalais les notes. J’observais sa réaction et essayais de rejouer les mêmes choses en boucle dès que cela générait en lui des effets positifs.

La musique est pour moi un vecteur de messages universels. Pas besoin de connaitre la complexité du langage pour ressentir des émotions avec la musique. La musique est donc parfaite pour communiquer avec ces enfants perdus dans leur intérieur.

Ainsi, avec le temps, j’ai fini par comprendre que Nathan aimait les fortes variations de sons, les grandes dynamiques. Nous nous en sommes aperçus lors de situations amusantes. Un jour, il s’est par exemple mis à rire aux éclats en faisant une sortie à la ferme et en entendant une chèvre très particulière. Pendant longtemps, dès que j’imitais cette même chèvre, Nathan éclatait de rire. Un moment de bonheur parfait. C’était court mais intense.

Donc voilà, une des techniques que je pratique pour envoyer de l’information dans un sens : moi vers lui. Pratique que sa mère effectue également grâce à des tonnes de comptines qu’elle a trouvé sur l’iPad et après avoir remarqué justement, assez tôt, qu’il adorait les jouets qui faisaient de la musique. A ce moment précis, Nathan est à la sieste et sa mère lui a mis un CD de musique pour l’accompagner.

Mais maintenant, comme saisir les informations dans l’autre sens ? De lui vers nous ?

A nouveau, il faut percevoir des choses infimes assez loin du langage parlé. On dit d’ailleurs souvent que les parents sont capables d’identifier les différents types de pleurs des bébés. C’est assez vrai et assez incroyable. Je pense que grâce aux différents types de sons et d’expressions du visage, on finit par être capable de déterminer avec une certaine justesse ce que notre enfant indique : frustration, colère, faim ou douleur. Pourtant personne ne nous a appris la méthode. On commence par ressentir, utiliser nos émotions puis appliquer une forme de logique en observant les répétitions.

Bon, sauf qu’en général, on s’entraine à ce modèle que pendant quelques mois puisque l’enfant finit rapidement par parler et à exprimer plus clairement ce qu’il se passe en lui. Nous, nous nous entrainons depuis 8 ans. Nous sommes devenus extrêmement sensibles aux micros détails. Nous sommes devenus des experts de l’analyse des expressions corporelles.

J’ai d’ailleurs voulu aller plus loin pour trouver d’autres clefs de communication. Et c’est grâce à un ami nommé Giampaolo, un magicien, une personne vraiment top, que j’ai fini par découvrir certaines bases de la PNL (Programmation Neuro Linguistique), de l’hypnose et de certaines recherches sur les expressions faciales. Vous connaissez par exemple la série « Lie To Me » ? L’air de rien, elle est assez bien fichue cette série. Et je me suis tout de suite dit que cela pourrait m’aider avec Nathan.

Bref, ce que j’essaie de vous dire c’est qu’il faut s’ouvrir l’esprit au maximum. Casser toutes ses barrières, tous ses préjugés pour réussir à s’approcher de l’innocence de ces enfants si différents. Il faut les observer avec beaucoup d’attention et de rigueur tout en étant très sensible à leurs émotions, à vos émotions. Il s’opèrera alors un processus presque magique d’échange entre eux et vous.

Depuis le lancement de ce blog, je trouve que Nathan a bien progressé dans ses échanges avec nous. Il arrive enfin à nous regarder dans les yeux pendant plusieurs secondes et plusieurs fois par jour. Il tourne désormais souvent la tête vers moi pour me regarder. Lorsqu’il est content, il fait des « hi hi ». Quand il nous appelle, il fait des « ah ya ya ». Il cherche toujours sa mère du regard et sait parfaitement lui mettre la pression pour obtenir ce qu’il veut. Il comprend certaines phrases. Devant une porte fermée, il comprend quand je lui dis « pousse la porte Nathan ». Il la pousse alors avec sa petite main.

La tempête néfaste qui régnait en maitre dans sa tête et dans notre vie semble s’être un peu calmée. J’ai des fois l’impression qu’enfin le printemps pointe à nouveau un peu le bout de son nez. La mer reste agitée et on est encore loin d’avoir trouvé une terre tranquille mais au moins on progresse.

Nathan m’a donc énormément appris sur moi-même et m’a permis de m’améliorer dans mes capacités d’analyses du comportement humain pour mieux communiquer. Je passe maintenant mon temps à observer les gens et essayer de comprendre leur mode de fonctionnement.

J’ai changé à son contact. Moi qui étais persuadé que seule la logique et l’ordre comptaient, j’ai découvert que la logique seule n’était pas bonne. Il faut savoir mélanger logique et émotion avec un juste équilibre. Equilibre qui est différent pour chaque personne. Equilibre que l’on recherche en permanence chez Nathan au fur et à mesure de ses petits progrès.

Je me demande souvent quelle aurait été notre vie sans lui. Certainement plus simple sur bien des points. Mais grâce à lui, je suis devenu plus fort et plus intelligent. Merci Nathan. Cela valait le coup de rentrer dans ta bulle pour que nous l’éclations ensemble. Même sans parler, tu m’as transmis énormément de choses.

2 réflexions au sujet de « Sentir, percevoir, communiquer »

  1. Quelle leçon me donne mon fils et ma belle fille à travers tous leurs articles. De loin et même de très loin, ils sont plus fort que moi. Je me sens si démunie face à cette tempête comme ils disent. J’ai le sentiment de ne pas en faire assez pour les aider. Mais comment faire? Toujours est – il que le fait de le garder de temps en temps, me fait voir le courage et l’abnégation de ma belle fille devant ce petit bonhomme qui lui demande toute son attention 24/24. Je devrais plutôt les rassurer et leur montrer une lueur d’optimisme mais en fait ce sont eux qui me donne le courage d’aller de l’avant à travers leur façon de voir les choses autrement que moi je ne les voient. David remercie Nathan de le rendre plus fort, moi je remercie David de m’aider à voir la vie autrement et accepter l’handicap de Nathan.
    Lynda

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  2. Bonjour à vous 2. Je me retrouve beaucoup dans votre histoire. Je suis le papa d’un enfant « différent » aussi et je suis informaticien passionné. Je comprends parfaitement les états émotionnels très forts par lesquels vous êtes passés. Je suis en plein dedans. Pour nous la nouvelle est tombée récemment même si nous le savions intérieurement depuis qu’il est venu au monde. Nous aurions cru traverser l’océan de la vie sur un paquebot comme tout à chacun et au lieu de cela nous nous retrouvons subitement cramponnés sur un radeau de fortune sur une mer en furie en plein orage… J’admire votre courage et votre énergie… Bien amicalement.

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