Paris Web : un Web pour tous, une conférence pour tous

Comme certains d’entre vous le savent surement déjà, je travaille chez Microsoft autour des technologies Web. A ce titre, j’ai eu la chance de passer 2 superbes journées à la conférence Paris Web. A vrai dire, cela fait déjà 4 ans que je passe à chaque fois un moment unique. 48h entourés de personnes aussi passionnées que moi. Mais surtout 48h au service du web pour tous. J’aimerais pour une fois en faire un retour d’expérience tout à fait personnel.

Le Web est d’une importance capitale pour tous ceux qui sont touchés par le handicap, soit directement, soit indirectement comme nous les parents.

Le Web permet l’accès à une source d’informations quasi illimitée. Il nous permet de nous renseigner sur le handicap qui nous touche, trouver des méthodes alternatives, mettre la pression aux médecins qui nous encadrent en étant suffisamment informés. Dans le monde du handicap, rares sont les fois où l’information vient à vous. La MDPH, ou les hôpitaux et autres organismes d’état, ne se sentent manifestement pas le rôle de nous informer. C’est donc à vous d’aller chercher l’information. Sans le Web, nous serions encore plus ignorants et fragiles.

Le Web nous permet aussi d’éviter de rester enfermés dans notre bulle. Le Web nous permet de garder le contact social avec ceux qui vivent la même chose que nous mais aussi de partager avec les autres pour les sensibiliser. Alors que l’on est souvent mis à l’écart de la société suite à l’arrivée d’un handicap, le Web peut réussir à briser les barrières et à nous reconnecter à une partie du monde.

J’en avais déjà conscience avant mais cela a été renforcé par Sophie Drouvroy et son récent LT (Lightning Talk) à Paris Web 2014. Un LT permet de parler d’un sujet en 4 min. Un exercice particulièrement difficile, et encore plus quand vous êtes sourd. Je vous invite fortement à l’écouter ici : http://www.paris-web.fr/2014/conferences/lightning-talks.php à la 14ème minute. Un témoignage émouvant. Merci à elle ! Je suis admiratif.

J’ai également eu la chance de pouvoir passer la soirée à côté d’elle au restaurant et discuter un peu de son enfance, de mon fils, de sa capacité à lire sur les lèvres. Elle m’a d’ailleurs ouvert l’esprit lorsqu’elle a précisé l’importance de l’arrivée de la HD dans Skype pour réussir à lire sur les lèvres.

Elle est même capable de déchiffrer le son en mettant sa main sur la gorge de quelqu’un ! Quelle capacité d’adaptation. J’associe cela à de supers pouvoirs même si son mari avec qui j’ai pu discuter n’était pas d’accord. Je respecte son point de vue mais je ne changerais pas le mien ! 😉 J’ai d’ailleurs eu une discussion très intéressante avec lui pendant une des pauses. Par exemple, parmi les nombreux sujets abordés: l’utilisation du casque Oculus pour des personnes tétraplégiques afin de contrôler des avatars. Mais plus en rapport, j’ai également pris conscience grâce à lui qu’un sourd se fiche des radioréveils classiques. C’est bête mais je n’y avais jamais pensé ! Bref, un super type qui a la chance d’avoir une femme en or.

L’accessibilité du web est donc souvent abordée à Paris Web. En tant que développeur, c’est un sujet qui ne fait pas rêver de prime abord. On préfère jouer avec des choses plus amusantes. Moi, le premier pour être honnête. Pourtant, comme je l’ai expliqué plus haut, le Web est devenu presque vital pour certains d’entre nous. Et lorsque l’on prend conscience de cela, on se dit que cela n’est pas si difficile d’au moins se former un minimum et de mettre en place certaines bonnes pratiques. Si vous êtes développeur web, n’hésitez donc pas à regarder les nombreuses vidéos de cette conférence. Ne laissez pas des personnes en situation de handicap coupées du monde. En tant que développeur web, vous avez le pouvoir de changer leur vie.

Ce qui m’épate également dans cette conférence, c’est l’accessibilité de l’évènement. Les conférences sont retranscrites en LSF (Langue des Signes Françaises) et en vélotypie. La vélotypie, c’est quelqu’un qui tape le texte dicté par l’orateur presque en temps réel. Ce texte est ensuite affiché sur un écran à côté de son support de présentation. Bluffant. Encore plus incroyable : si la conférence est en anglais, elle est traduite à la volée par un membre du staff (le très énergique Christophe Porteneuve), envoyée par téléphone aux gens de la vélotypie et dans le casque des personnes qui pratiquent la LSF sur scène. Une expérience unique. Non seulement, cela aide les sourds et malentendants mais cela profite à tout le monde.

Cela fait chaud au cœur de se dire que certains bénévoles se démènent pour réussir à rendre l’évènement accessible à tous. Je me dis qu’il reste un peu d’espoir dans cette société.

Pour ma part, cela faisait longtemps que j’avais envie de prendre part au mouvement. Et le déclic a eu lieu grâce à l’adorable Stéphane Deschamps lors qu’une autre conférence Web plus Alsacienne mais tout aussi top : la Kiwi Party. Lors d’une conférence de Laura Kalbag sur l’accessibilité, je me tourne vers Stéphane en lui disant que je me trouvais un peu con avec l’accessibilité. Je passe en effet mon temps à concevoir ou aider à concevoir des jeux vidéo, très visuel et donc pas du tout accessible par nature. Il me dit alors : « cela serait énorme si tu arrivais à faire un casse brique accessible ». Sans le savoir, il venait d’activer un processus qui allait me hanter pendant des semaines. Quelle idée géniale il venait d’avoir !

Je me suis alors renseigné et même s’il existe quelques ressources en ligne comme : http://www.game-accessibility.com/, j’avoue avoir été déçu par l’approche des jeux. Uniquement audio et finalement conçu par forme de handicap. Je voulais quelque chose de plus fédérateur. Un jeu jouable par le plus grand nombre : aveugles, malvoyants, voyants, sourds. J’aurais aimé trouver un moyen de le rendre accessible aussi à mon fils Nathan mais il fallait que je reste raisonnable.

Aujourd’hui, j’en suis arrivé à cet état de recherche que j’ai présenté dans un LT également à Paris Web : http://www.paris-web.fr/2014/conferences/lightning-talks.php à la 35ème minute pour ma part.

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Je compte finir le jeu et le publier.

Depuis le début, ma femme, me voyant faire mes tests et recherches les week-ends, me disait que je ne pouvais pas concevoir correctement le jeu sans l’aide d’une personne aveugle. Je savais qu’elle avait raison (malheureusement les femmes ont rarement tort ! :-P) mais je n’avais pas encore eu la chance d’en rencontrer une. Cette chance s’est présentée à Paris Web. J’ai pu discuter avec Sylvie Duchateau pendant l’une des pauses. Je lui ai fait part, un peu anxieusement, de l’approche audio que j’avais prise pour le jeu : spatialisation, effet sonore sur la vitesse du son, synthèse vocale, utilisation au casque. Première bonne nouvelle, elle me dit que je suis a priori parti sur une bonne piste. Première surprise, elle me demande qu’est-ce qu’un casse-brique. Evidemment qu’elle ne sait pas ce que c’est ! J’avais l’air un peu bête. D’où l’intérêt de discuter avec elle pour comprendre comment elle perçoit tout cela.

Commence alors la phase de tests avec mon super casque Bose réducteur de bruit (qu’elle aurait bien gardé j’ai l’impression ;-)). Et là, c’est un peu la déception. Sylvie ne comprenait pas bien ce qu’il se passait et n’arrivait pas à jouer correctement. En modifiant rapidement mon code en l’observant jouer, elle finit malgré tout par arriver à faire 6 rebonds de la balle dans le jeu ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’étais heureux. Elle en a alors profité pour me faire quelques retours/conseils que j’ai commencé à intégrer. Avant qu’elle ne parte, je lui dis alors que si elle casse toutes les briques, le jeu annoncera par synthèse vocale son score, qui correspond au temps pour tout casser. Et là, elle me répond spontanément : « Et quel est le meilleur score ?!? ». J’étais ravi. Son envie de se battre dans le jeu était bon signe. Sourire

En discutant du jeu avec d’autres personnes, comme avec Anthony Ricaud, on m’a donné d’autres idées pour mieux gérer la synthèse vocale. Bref, je suis ravi de voir les réactions positives à cette expérimentation. Je voulais aussi tenter de prouver que lorsque l’on se creusait un peu la tête, on pouvait toujours trouver des solutions pour rendre le web accessible.

Cette année, Paris Web fut donc encore riche en rencontres et discussions. Je pense que l’évènement est aussi intéressant de par ses conférences que de par les orateurs et participants avec qui vous pouvez échanger lors de nombreux moments prévus à cet effet. Si vous êtes timides, travaillez sur vous et aller parler avec les autres. Vous ne serez pas déçus.

J’aimerais finir ce billet par un message très important que nous rappelé Coralie Mercier du W3C pendant son LT (30ème minute) :

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Lors des jeux olympiques de 2012, Tim Berners-Lee, nous rappelait que le Web doit être accessible à tous. Ne l’oubliez jamais.

Je remercie chaleureusement le staff et tous les gens merveilleux avec qui j’ai pu discuter.

Paris Web est magique.

5 réflexions au sujet de « Paris Web : un Web pour tous, une conférence pour tous »

  1. Bonjour David,

    J’étais présent à Paris Web et ai pu savourer ces lightning talks. Celui de Sophie m’a beaucoup ému également, mais c’est déjà une habitude avec elle grâce à son blog ( http://www.vismaviedesourde.fr ).

    L’an dernier, ton LT était déjà exceptionnel, mais il s’agissait d’une pure prouesse technique absolument incroyable. Cette année, la prouesse était là, mais tu as aussi ouvert des perspectives totalement inédites dans notre univers de techniciens du web. D’un seul coup, en 240 secondes à t’écouter et te regarder, j’ai réalisé l’ampleur de ce qu’il était possible d’accomplir.

    Merci pour cette découverte, et encore bravo pour ce LT mais aussi pour ce blog, que je continue de suivre avec attention.

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  2. Bonjour David,
    Merci pour ce superbe article. Merci à Stéphane de nous avoir mis en relation pour parler de ce jeu.
    Pas d’inquiétude, je ne t’aurais pas « volé » ton casque !
    Comme le dit David, il ne faut pas hésiter à aborder une personne handicapée ou qui a une différence, car pour des raisons X ou Y elle ne pourra pas venir vers vous!
    J’attends les évolutions du jeu avec curiosité!
    Pour moi aussi la conférence ParisWeb était source de bonnes rencontres, et dommage que je n’ai pas pu discuter avec quelqu’un comme Sophie par exemple, dont j’ai entendu beaucoup parler. Mais grâce aux nouvelles technologies, un aveugle et un sourd peuvent communiquer.
    Je ne peux qu’encourager les lecteurs de ce blog à voir les lightning talks de ParisWeb qui étaient courts, mais percutants et très bien faits!
    Bravo à tous!
    Sylvie

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