Une histoire d’échelle

Les choses n’existent que de la façon dont on les perçoit à une certaine échelle
Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu – ESRA Tome 3 [La révolution des fourmis]
Bernard Werber

Cette citation m’a été soufflée par ma femme, fan absolue de Werber, et résume parfaitement ce que je souhaite décrire ici.

Je vais ainsi vous faire part d’une théorie personnelle : pour s’en sortir, il est vraiment important d’être capable de se situer sur une échelle. Et même sur des échelles: échelle d’intelligence, échelle du temps, échelle de souffrance ou échelle de bonheur. Elle peut donc prendre plusieurs formes.

Cette histoire d’échelle m’a d’ailleurs touché bien avant l’arrivée de Nathan. Comme beaucoup de jeunes, j’étais arrogant et j’avais l’impression d’être brillant, d’être plus malin que les autres. Le syndrome dit du “petit con” bien moins grave que celui qui touche mon fils, je vous rassure. Mais j’ai alors eu la chance de rencontrer des gens bien plus intelligents que moi, notamment dans l’entreprise où je travaille actuellement. Cela m’a alors bien remis à ma place mais surtout cela m’a permis de relativiser. Je suis loin d’être idiot mais je suis loin d’être le plus intelligent. Il est également important d’effectuer ce travail dans son histoire et son rapport au handicap. Il faut faire preuve de lucidité.

Bien sûr lorsque cela commence à vous toucher, tout s’écroule autour de vous et ce travail de recul est impossible au début. Le monde que vous aviez entrevue s’évanouit et laisse place pendant quelques temps à une forme chaos. Dans notre cas, cela a été particulièrement violent et il a fallut du temps pour que nous nous reconnections à la réalité de chacun. On se fixait alors des objectifs à très court terme. Comme l’avenir n’existait plus, on ne se projetait plus que sur une journée au maximum. La période la plus dure fut sans aucun doute notre stage dans le service de Neuro de Necker. Enfermé dans une petite salle surchauffée prêt du lit à barreaux de Nathan, surveillant ses moindres faits et gestes, entouré de bruits des différentes machines chargées de contrôler les constantes des enfants. Puis au fur et à mesure que l’on surmontait nos galères et que nous nous sommes mis à revoir le jour, on se fixait des objectifs plus lointain: la semaine voir même des mois! Le truc de fou quoi. Mais soyons honnête, nous n’avons toujours pas refranchi le cap de la projection sur plusieurs années. C’est encore trop compliqué.

C’est malgré tout pendant ces 15 jours difficiles que j’ai pu prendre conscience de plusieurs échelles. L’échelle du temps tout d’abord. Le temps ne s’écoule définitivement pas de la même manière lorsque vous êtes proche de votre enfant malade dans un hôpital que lorsque vous êtes en train d’en profiter tranquillement dans un parc par une belle journée ensoleillée. Cela vous permet plus tard d’apprécier alors bien davantage ces petits moments lorsqu’ils se présentent à nouveau.

Mais ce rapport au temps est bien plus vaste que je ne le pensais à l’époque pour Nathan. On nous avait prévenu: “Nathan va évoluer à son rythme” qu’ils disaient. Oui mais quel rythme? Personne ne le sait malheureusement. Et encore moins lorsque vous êtes classifié dans une maladie orpheline et inconnue. Par définition, il faut savoir que l’avenir est totalement imprévisible pour vous. Et même avec des pouvoirs Jedi! Yoda le disait d’ailleurs lui-même “Difficile à voir. Toujours en mouvement est l’avenir.” Je n’essaie donc pas. Si même Yoda n’y arrive, je suis mal barré pour réussir.

Sauf, qu’en parallèle, on vit dans une société où tout va à 100 à l’heure. Tout est réseaux sociaux et vous êtes au courant de n’importe quelle bêtise dans la seconde où cela arrive. Pire, je travaille dans l’informatique. Tous les jours, mon cerveau est sollicité par une masse de nouvelles informations. Je suis dans l’effervescence permanente. Nathan lui évolue sur une échelle de temps qui n’a rien à voir avec tout cela. On a mis beaucoup de temps à l’accepter et je pense que nous avons toujours du mal à la digérer. Pourtant, elle lui convient parfaitement. Il lui a fallut 3 ans pour savoir s’assoir tout seul mais il ne voit pas où est le problème lui. Et puis, franchement, même s’il ne parle pas, il m’a avoué que les réseaux sociaux et la téléréalité, ça lui passe au dessus de la tête: “c’est de la connerie tout ça, papa”. 

En fait, le vrai problème est que notre société nous impose une image de la normalité. Votre enfant ne marche pas à 9 mois? Vite consultez un pédiatre! Il ne maitrise pas 2 langues à 2 ans et n’a pas encore écrit sa première symphonie? Mais qu’avez-vous fait de lui?!? Que va-t-il faire de sa vie ce pauvre bonhomme? Bref, ce besoin stupide de compétition à outrance nous pète encore plus à la figure avec un enfant handicapé. Pendant que certains parents sont obsédés par le QI de leur rejeton, nous, on aimerait juste qu’il sache un jour se déplacer par lui-même ou qu’il me dise simplement un jour “papa”.

Nous étions donc très en colère au début lorsque certains partageaient leur peine avec nous alors que leurs problèmes nous paraissaient si dérisoires par rapport aux nôtres. Mais après réflexions, je me suis dit: qui suis-je pour les juger? pourquoi ma vie serait-elle plus compliquée que la leur? C’est là que j’ai pris conscience d’une autre échelle. L’échelle de la souffrance ou du niveau de galère.

Certaines mamans que j’ai pu croiser devenaient hystériques lorsque leur petit devait avoir une petite opération bégnine, devait porter une paire de lunettes ou parce qu’il avait une petite gastro. Au début j’avais envie de les gifler mais je me suis alors rendu compte que c’était tout simplement l’évènement le plus “grave” qui leur était arrivé. Sur leur échelle donc, ce problème était tout en haut de la pile. Devrais-je leur reprocher d’avoir eu une vie tellement idyllique que le moindre petit souci devienne une catastrophe pour elles? Clairement pas. Mais j’aimerais que de temps en temps, ces mêmes personnes prennent mesure des galères des autres pour relativiser un minimum leurs tracas quotidien et prendre conscience que tout cela n’est pas si grave. Je leur souhaite également de ne jamais voir leur échelle de souffrance dépasser ce stade.

Mais plutôt que m’ériger en donneur de leçon, je me suis dit qu’il fallait que j’applique cette règle à moi-même. D’ailleurs, nous l’appliquons en couple cette règle. Il suffit alors d’ouvrir les yeux et de partager les histoires des autres. Revenons à mes 15 jours de Necker. On faisait un roulement avec ma femme pour tenir. Je restais 2/3 jours au près de Nathan puis c’était à son tour de rester enfermée avec lui. Un soir, je lui passe le relais et je tente de quitter le bâtiment où nous étions. Manque de bol, je me trompe d’étage et j’arrive dans le service des enfants bulles. Je me suis pris une bonne claque dans la figure! Voir ces petits bouts cloisonnés dans cette bulle en plastique, imaginer les parents ne pouvant prendre leurs enfants dans leurs bras comme ils le souhaitent. Cela devait être dur. J’avais au moins le privilège de pouvoir faire des câlins à mon fils.

Depuis 7 ans, j’ai l’occasion de rencontrer nombre de familles et d’enfants handicapés. Il faut savoir que chaque handicap est unique et s’accompagne de son lot spécifique de galères. C’est le jeu ma pauvre Lucette!

J’ai pu alors prendre mesure que nous n’étions pas au plus haut de l’échelle de souffrance et de galères. J’ai croisé des enfants qui m’ont littéralement fendu le cœur. Je me suis alors dit que finalement, notre petit Nathan ne s’en sortait pas si mal. Alors l’idée n’est surtout pas de se dire qu’il y a toujours pire que soi. Non, surtout pas! Mais plutôt de mesurer, même dans la galère, la chance que l’on a.

Je terminerais par une dernière échelle, celle du bonheur. Celle-ci est à nouveau totalement relative et purement subjective. Elle est à nouveau fortement influencée par les dictâtes qui nous entourent. Pour certain, avoir la ligne va les rendre heureux au plus haut point ou inversement avoir l’impression d’être trop gros va les rendre malheureux comme les pierres. Pour leurs enfants, certains pensent devenir heureux en les voyant suivre telle ou telle trajectoire qu’ils auront eux-même défini. A notre niveau, cela nous afflige souvent mais à nouveau, je ne peux pas vraiment leur reprocher. Ils sont enfermés dans un système dont ils n’ont plus conscience. C’est la matrice en fait!

Dans le cas du handicap, je pense qu’il y a 2 échelles de bonheur à prendre en compte: celle des parents et celle de l’enfant. Dans mon cas, j’ai souvent l’impression d’être heureux malgré tout ce qui a pu nous arriver. On traverse souvent des périodes très dures mais j’arrive à être rempli de bonheur en découvrant les petits progrès et le courage de mon petit. Récemment ma femme m’a envoyé une vidéo de chez le kiné où il arrivait à presque faire du 4 pattes tout seul! J’étais totalement comblé. En ce moment même où j’écris ces lignes, il se balade dans son “éducator”, sorte de déambulateur pour les handicapés. Il avance de manière plus ou moins aléatoire dans le salon, rentre dans mes enceintes hifi qui coutent une fortune violemment mais ce n’est pas grave. Je suis heureux de le voir prendre un peu d’autonomie et se balader tout seul. Je trouve ça trop fort! Et comme je vous le disait dans le billet précédent, je pense que l’on est capable de se satisfaire de toutes ces petites choses. Notre rapport à la vie est souvent différent des autres. Nous sommes un peu moins enfermés dans la matrice que les autres. A nous de vous montrer le chemin pour en sortir.

Pour Nathan, c’est encore plus magique. A son échelle, je le sens vraiment totalement heureux. Il aime sa mère (et surement son père et son frère j’imagine ;)), s’éclate avec les jouets les plus simples au monde (une bouteille de lait, un couvercle de petit pot) et adore éclater ses canards dans son lit. Alors cela peut vous paraitre dérisoire mais pour lui, c’est juste une vie de dingue! Sa propre perception du bonheur est radicalement différente de la nôtre. Il n’est pas sujet à des règles pré-établies, il profite juste de la vie telle qu’elle lui a été donnée.

Bref, nous vivons tous dans une échelle de temps et de bonheur différente. Apprenez à vous repérer dans ces échelles et partagez celles des autres. Vous aurez tout à y gagner et vous serez peut-être en mesure de percevoir les choses de manière différente.

Notre histoire résumée, un syndrome qui nous a définitivement mis à l’ouest!

Notre fils s’appelle Nathan, est né fin 2006 et est sans aucun doute l’un des plus beaux garçon de la planète. Je n’y peux rien, c’est comme ça. J’ai aussi un fils ainé de 15 ans. J’aime à dire que je l’ai récupéré tout fait à 4 ans. Il est beau aussi (vive l’objectivité parentale!) et brillant. Il est chiant comme un ado mais pas trop. Mais parlons plutôt du plus jeune.

J’ai eu l’impression qu’il se développait comme tous enfants les premières semaines. On a eu quelques soucis pour qu’il prenne du poids au début mais rien de méchant je pense. J’avoue avoir du mal à me souvenir comment il était exactement avant que “l’évènement” n’arrive. Bref, plusieurs semaines se passent et on arrive à une belle journée de fin d’hiver/début printemps pendant mes vacances. Je suis seul avec le petit bout sur le canapé lorsque soudain je trouve que Nathan a comme un sursaut et a un regard étrange. Cela m’a immédiatement fait peur mais votre esprit lutte et essaie de se convaincre “cela ne devait être rien, il a du avoir peur”. Sauf, que rien ne s’était passé de particulier dans la pièce… La journée reprends, on dine et sa mère lui donne son biberon. Soudain, l’évènement précédent recommence avec beaucoup d’ampleur. Nathan se fige totalement, sa mère hurle en me demandant d’apporter de l’eau pour lui rafraichir le visage. Voilà. Seulement après 3 petits mois de son arrivée sur Terre, notre petite vie va basculer bien plus que nous l’imaginions.

Les choses se précipitent, nous sommes d’abord pris en charge aux urgences d’Orsay où l’on fait une ponction lombaire à mon bébé et l’on tente de nous rassurer sur le mot que personne n’ose encore prononcer: “l’épilepsie”. Mais rapidement, le chef de service assiste à une crise et les mouvements dits en flexion qui les accompagnent ne sont pas bon signes du tout. Nous sommes alors rapidement redirigés vers le service de neurologie de Necker où nous y passons 15 jours de vacances. Le bilan tombe assez rapidement. Nathan souffre du syndrome de West, une épilepsie sévère du nourrisson. Je me souviens encore de l’horreur de ces crises, de voir le regard de mon Nathan entre 2 saccades me supplier de l’aider. Je pense que ce sont les moments les plus horribles de ma vie. Voir son enfant souffrir et avoir ce sentiment affreux d’impuissance totale. Saleté d’épilepsie qui pouvait engendrer des crises jusqu’à 15 min. Je vous promets que c’est horriblement long. Cet orage électrique qui envahit son cerveau n’a jamais été expliqué. Et même si les médecins nous ont dit plus ou moins le contraire, je reste persuadé que ces violentes crises lui ont abimé son petit cerveau.

Nous avons alors vécu au quotidien avec ces crises et le cocktail de médicaments associés: hydrocortisone, sabril, epitomax et je ne sais plus quoi d’autres comme cochonneries. Mon stress de l’époque était de ne surtout pas louper l’heure d’administration de ces médicaments de peur d’augmenter le risque de crises. Mais on se rends vite compte que nos supers neuros sont dépassés par ce qui les entourent. Ils testent des cocktails comme ils le peuvent. Nathan a fait longtemps des crises qui étaient plus ou moins espacées. Cela le ruinait physiquement et psychologiquement à chaque fois. De notre côté, nous avions développé un 6ème sens étrange. Nous étions capables de nous réveiller en pleine nuit lorsque la crise arrivait alors que cela n’engendrait aucun bruit. L’arrivée de super pouvoirs pour nous aider à faire face ? J’aurais tellement aimé… En tout cas, depuis cette époque, nous n’avons plus jamais retrouvé une vraie nuit de sommeil. Je rêve jalousement devant l’insouciance et la qualité de sommeil de mon ado!

Malgré tout, nous avons quand même eu un peu de chance dans notre malheur. Les crises se sont un jour arrêtées d’elles-même le 15 aout 2007. Je ne suis pas croyant mais cette date m’a marqué! Il nous a alors fallut beaucoup de temps pour oser baisser puis un jour arrêter les médicaments anti-épileptiques. D’autant que l’épitomax est juste une catastrophe en effets secondaires: il rend dépressif et anorexique par exemple (rien que ça!). J’aurais d’ailleurs l’occasion de revenir là-dessus dans les nombreuses anecdotes que je vous ai mis de côté. Mais non content de lutter avec Nathan au quotidien sur pleins de choses, il fallait réussir à “juste” le nourrir tous les jours. Chose qu’il semblait manifestement refuser en grande partie. Il faut aussi savoir une chose: ce n’est pas le neuro qui osera stopper les médicaments, c’est vous qui devez oser le faire. Comme ils ne comprennent rien de ce qu’il se passe, j’ai l’impression qu’ils préfèrent vous laisser assumer ce risque. A la limite, je ne suis même pas sûr de leur en vouloir.

Nathan a dès le début eu un développement hors normes. Même si je n’ai jamais eu de nourrissons au développement “normal”, je voyais bien qu’il y avait plein de choses qui clochaient. L’histoire de se retourner sur le ventre, Nathan a du mettre 2 ans au lieu de 2 mois pour le faire par exemple. Mais le plus difficile fut pendant longtemps l’absence totale de communication. Nathan ne souriait pas, ne pleurait pas et ne nous regardait pas. Ne jamais voir son enfant pleurer, c’est vraiment difficile à supporter. Plus que l’absence de rire je trouve. Mais heureusement, cela a finit par arriver. Je me souviens d’ailleurs avoir pleuré lorsque mon fils s’est mis à pleurer à nouveau après des semaines de mutisme absolu. Enfin, il communiquait d’une certaine façon! Bon, je vous rassure, il s’est bien rattrapé entre temps et maitrise parfaitement l’art du chouinage. Le rire est arrivé quelques semaines plus tard. Je m’en souviens encore. J’étais en train de le changer lorsque j’ai cru d’abord halluciner en le voyant esquisser un sourire. Mais lorsque j’ai vu que cela se confirmait, je me suis mis à hurler pour appeler ma femme qui était dehors dans le jardin. Elle est arrivée évidement en panique pensant voir une nouvelle crise. Mais non, c’était juste pour que je lui annonce cette bonne nouvelle! Et oui, vous le verrez surement à travers ce blog, nos joies de parents d’enfants handicapés sont souvent faites de choses insignifiantes pour le commun des mortels. Nous avons souvent un rapport aux choses et à la vie bien différent.

Bon, accélérons l’histoire. Nous avons eu l’immense chance de découvrir ce qu’était un EEG (Électro-encéphalogramme), un IRM, un test du caryotype, un test du super-caryotype (plus précis), de rencontrer des neuro-pédiatres, des ergothérapeutes, des orthophonistes, des psychomotriciennes, des kinésithérapeutes ou autre médecin de rééducation fonctionnelle. Mais aussi de découvrir des termes incroyables auxquels on ne comprenait rien du tout dans les comptes rendus. Ah oui, j’ai oublié de vous dire. Si vous n’avez pas un QI de 250, évitez d’avoir un enfant handicapé. C’est juste chiant. Sinon, vous allez passer des heures à faire de la traduction sur Internet pour déchiffrer ce que les médecins pensent de votre enfant. Du coup, le mieux c’est de faire médecine je pense étant donné que le médecin s’abaisse rarement à rentrer dans le même plan de communication que vous. C’est comme ça, ça leur donne un style qu’ils cultivent. J’aurais également énormément d’anecdotes amusantes à vous partager sur presque l’ensemble des mots scientifiques que je viens de vous balancer.

Mais au final, quel est le bilan de toutes ces recherches?

Nathan a eu un syndrome de West idiopathique et atypique. Si vous avez le courage, la fiche complète de la maladie se trouve ici: https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/West-FRfrPub894.pdf 

Cela veut dire que Nathan a eu toute la panoplie associée au syndrome mais tout en étant pas tout à fait pareil (je vous le dit avec mes mots à moi). Bref, son épilepsie était surement le symptôme d’une maladie plus globale. Cette maladie, on la cherche encore. Son EEG n’était pas parfait mais cela ne nous a amené à aucune conclusion particulière. Son IRM n’était pas parfaite non plus au début, mais sur les dernières, elles étaient apparemment pas si mal voir même proche d’un enfant sans souci. Nathan est petit pour son âge mais ses analyses de sang ne montrent pas de déficiences d’hormones de croissances. Il a des reflexes moyens au bout des articulations mais les tests effectués sur ses muscles à coup d’électrodes ne sont pas non plus si mauvais. Bref, à chaque fois le mystère reste entier. Je peux vous dire que nous sommes loin de la vitesse et qualité d’analyses des Experts ou de Docteur House. Soit notre système de santé est à la masse, soit on nous ment à la TV!

Aujourd’hui, j’ai conscience que notre enfant est trop compliqué pour l’état actuel de notre science. Sa neuro était d’ailleurs d’accord avec moi lors de notre dernier entretien. Il est donc rangé dans la catégorie “maladie orpheline”. C’est presque cool comme expression. Sauf que cela veut dire que personne ne s’intéressera vraiment à ce qui ne va pas chez lui car cela couterait trop cher de faire des analyses plus approfondies. Par exemple, les analyses génétiques complètes n’ont toujours pas été faites. Nous avons donné notre sang, ma femme et moi et celui de Nathan bien sûr. Le but du jeu étant d’essayer de faire des comparaisons entre nos gènes et par éliminations trouver d’éventuels gènes suspects chez lui. Cela n’a toujours pas été réalisé car apparemment cela coute cher et l’hôpital attend alors d’avoir le financement adéquat avant de se lancer. Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre. Du coup, je peux vous dire que si un jour je gagne à l’euromillion, je sais exactement quoi faire de l’argent… Je construis une structure spéciale pour les maladies orphelines de manière totalement égoïste.

Nathan a aujourd’hui un peu plus de 7 ans. Il ne parle pas, ne marche pas, ne sait pas se déplacer tout seul. Il a aussi des symptômes autistiques comme l’autostimulation ou le fait de très rarement vous regarder droit dans les yeux. Mais quand il le fait, c’est juste un moment magique! Je pense que c’est une star en fait. Il ne vous accorde que très peu d’attention directe mais quand il le fait, il le fait bien.

Sa maman s’est arrêtée de travailler pour s’occuper de lui comme malheureusement bien trop souvent dans ce genre d’histoire. La maman est d’ailleurs juste le pilier central de notre famille. Sans elle, nous ne serions rien à la maison. Je ne serais rien dans la vie. Je pense que c’est une super héros. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un de plus fort qu’elle. Pourtant, il faut savoir prendre soin de la maman car la pression physique et morale qui pèse sur ses épaules est juste insoutenable. J’en parlerais dans un autre billet.

Nathan passe aujourd’hui 3 jours par semaine dans un centre spécialisé appelée EEP et est également suivi par un SSAD (Service de Soin A Domicile) qui nous épaule depuis quasiment le début. Il y a des gens fantastiques qui travaillent dans ces organismes. Vous ne pouvez tout juste pas vous imaginer. Nathan a aussi eu la chance de pouvoir aller un peu à l’école maternelle. J’y reviendrais plus tard.

Nous avons mis beaucoup de temps avant de stabiliser notre vie au quotidien et d’assumer le fait d’avoir un enfant handicapé. Et à chaque fois que nous avons l’impression d’y arriver un peu, un nouveau truc nous tombe sur le coin de la figure en général. Le dernier en date est l’arrivée d’un corset. Mais Nathan a l’air heureux. Il se marre souvent et réclame la “bagarre” comme dit sa mère à coup de chatouillis bien placés. Il a fait quelques progrès au fur et à mesure du temps. Nous arrivons par exemple à le faire marcher en lui tenant les mains même s’il n’est pas capable de tenir l’équilibre seul encore. Il est bien plus gourmand qu’avant et c’est quand même nettement moins galère de lui donner à manger. Il gazouille un peu et raconte sa vie à sa manière. Il suit sa mère du regard partout et ces derniers temps, il ose me toucher de temps en temps mon visage avec sa petite main. Cela ne dure pas longtemps en général, mais qu’est-ce que c’est chouette!

Bon, par contre, il y a qu’un seul truc qui n’a pas changé depuis le début. Et je n’y peux toujours rien malheureusement. Il est terriblement beau ce garçon! Je ne m’en remets toujours pas.

Pourquoi ce blog?

Cela fait longtemps que j’avais envie de me lancer dans un blog perso pour raconter notre histoire. Au début, je me disais: “encore un n-ième blog sur une histoire difficile et triste, à quoi cela peut-il servir?”. Et puis, honnêtement, je ne me sentais pas de partager ce qui nous arrivait. Je n’avais pas assez de recul, j’étais trop fatigué et ce qui nous arrivait était bien trop violent.

Mais après 7 ans de galère, j’ai enfin eu l’envie de me lancer. Pour plusieurs raisons:

1 – Juste pour me faire du bien. Avoir l’impression de partager pour se sentir peut-être moins seul.
2 – Pour dénoncer et crier aux autres à quel point le handicap est mal géré en France.
3 – Pour remercier. Car même si tout n’est pas génial en France, on a quand même globalement beaucoup de chance par rapport à d’autres pays. Et puis, j’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes formidables qui se sont super bien occupées de mon fils. Cela serait injuste de ne pas équilibrer mes futurs coups de gueule avec des remerciements intenses à ces gens dévoués.

Pour moi, l’élément déclencheur fut sans doute le reportage d’Eglantine Eméyé sur France 5 il y a presqu’un mois. Vous pouvez revoir ce reportage ici: Mon fils, un si long combat suivi de enfants sorciers

Il faut avoir le courage d’oser s’exposer comme elle l’a fait. Cela m’a donc motivé pour me lancer moi-aussi en partageant. Merci à elle!

Alors pourquoi “la face cachée du handicap” ? Pour 2 raisons:

1 – car cela représente tout simplement une face que j’ai longtemps cachée de ma vie. Je n’avais pas envie que les gens s’apitoie sur mon sort et je n’avais pas envie de traitement de faveur potentiel. Et puis, je n’avais tout simplement pas envie d’en parler publiquement mais uniquement à des personnes dans lesquelles j’avais suffisamment confiance.

2 – pour dénoncer tout ce que l’on vous cache sur le quotidien de la vie d’en enfant handicapé, de l’impact sur son entourage et du véritable parcours du combattant que cela implique. Notre administration et la prise en charge de nos enfants sont parfois hallucinantes! 

Je vous invite donc par commencer à lire mon premier billet qui a consisté à raconter brièvement notre histoire: Notre histoire résumée, un syndrome qui nous a définitivement mis à l’ouest!

J’essaierais de garder ma bonne humeur naturelle dans ces récits même si l’on parlera parfois de sujets graves.

Que la force soit avec nous.

David