Notre histoire résumée, un syndrome qui nous a définitivement mis à l’ouest!

Notre fils s’appelle Nathan, est né fin 2006 et est sans aucun doute l’un des plus beaux garçon de la planète. Je n’y peux rien, c’est comme ça. J’ai aussi un fils ainé de 15 ans. J’aime à dire que je l’ai récupéré tout fait à 4 ans. Il est beau aussi (vive l’objectivité parentale!) et brillant. Il est chiant comme un ado mais pas trop. Mais parlons plutôt du plus jeune.

J’ai eu l’impression qu’il se développait comme tous enfants les premières semaines. On a eu quelques soucis pour qu’il prenne du poids au début mais rien de méchant je pense. J’avoue avoir du mal à me souvenir comment il était exactement avant que “l’évènement” n’arrive. Bref, plusieurs semaines se passent et on arrive à une belle journée de fin d’hiver/début printemps pendant mes vacances. Je suis seul avec le petit bout sur le canapé lorsque soudain je trouve que Nathan a comme un sursaut et a un regard étrange. Cela m’a immédiatement fait peur mais votre esprit lutte et essaie de se convaincre “cela ne devait être rien, il a du avoir peur”. Sauf, que rien ne s’était passé de particulier dans la pièce… La journée reprends, on dine et sa mère lui donne son biberon. Soudain, l’évènement précédent recommence avec beaucoup d’ampleur. Nathan se fige totalement, sa mère hurle en me demandant d’apporter de l’eau pour lui rafraichir le visage. Voilà. Seulement après 3 petits mois de son arrivée sur Terre, notre petite vie va basculer bien plus que nous l’imaginions.

Les choses se précipitent, nous sommes d’abord pris en charge aux urgences d’Orsay où l’on fait une ponction lombaire à mon bébé et l’on tente de nous rassurer sur le mot que personne n’ose encore prononcer: “l’épilepsie”. Mais rapidement, le chef de service assiste à une crise et les mouvements dits en flexion qui les accompagnent ne sont pas bon signes du tout. Nous sommes alors rapidement redirigés vers le service de neurologie de Necker où nous y passons 15 jours de vacances. Le bilan tombe assez rapidement. Nathan souffre du syndrome de West, une épilepsie sévère du nourrisson. Je me souviens encore de l’horreur de ces crises, de voir le regard de mon Nathan entre 2 saccades me supplier de l’aider. Je pense que ce sont les moments les plus horribles de ma vie. Voir son enfant souffrir et avoir ce sentiment affreux d’impuissance totale. Saleté d’épilepsie qui pouvait engendrer des crises jusqu’à 15 min. Je vous promets que c’est horriblement long. Cet orage électrique qui envahit son cerveau n’a jamais été expliqué. Et même si les médecins nous ont dit plus ou moins le contraire, je reste persuadé que ces violentes crises lui ont abimé son petit cerveau.

Nous avons alors vécu au quotidien avec ces crises et le cocktail de médicaments associés: hydrocortisone, sabril, epitomax et je ne sais plus quoi d’autres comme cochonneries. Mon stress de l’époque était de ne surtout pas louper l’heure d’administration de ces médicaments de peur d’augmenter le risque de crises. Mais on se rends vite compte que nos supers neuros sont dépassés par ce qui les entourent. Ils testent des cocktails comme ils le peuvent. Nathan a fait longtemps des crises qui étaient plus ou moins espacées. Cela le ruinait physiquement et psychologiquement à chaque fois. De notre côté, nous avions développé un 6ème sens étrange. Nous étions capables de nous réveiller en pleine nuit lorsque la crise arrivait alors que cela n’engendrait aucun bruit. L’arrivée de super pouvoirs pour nous aider à faire face ? J’aurais tellement aimé… En tout cas, depuis cette époque, nous n’avons plus jamais retrouvé une vraie nuit de sommeil. Je rêve jalousement devant l’insouciance et la qualité de sommeil de mon ado!

Malgré tout, nous avons quand même eu un peu de chance dans notre malheur. Les crises se sont un jour arrêtées d’elles-même le 15 aout 2007. Je ne suis pas croyant mais cette date m’a marqué! Il nous a alors fallut beaucoup de temps pour oser baisser puis un jour arrêter les médicaments anti-épileptiques. D’autant que l’épitomax est juste une catastrophe en effets secondaires: il rend dépressif et anorexique par exemple (rien que ça!). J’aurais d’ailleurs l’occasion de revenir là-dessus dans les nombreuses anecdotes que je vous ai mis de côté. Mais non content de lutter avec Nathan au quotidien sur pleins de choses, il fallait réussir à “juste” le nourrir tous les jours. Chose qu’il semblait manifestement refuser en grande partie. Il faut aussi savoir une chose: ce n’est pas le neuro qui osera stopper les médicaments, c’est vous qui devez oser le faire. Comme ils ne comprennent rien de ce qu’il se passe, j’ai l’impression qu’ils préfèrent vous laisser assumer ce risque. A la limite, je ne suis même pas sûr de leur en vouloir.

Nathan a dès le début eu un développement hors normes. Même si je n’ai jamais eu de nourrissons au développement “normal”, je voyais bien qu’il y avait plein de choses qui clochaient. L’histoire de se retourner sur le ventre, Nathan a du mettre 2 ans au lieu de 2 mois pour le faire par exemple. Mais le plus difficile fut pendant longtemps l’absence totale de communication. Nathan ne souriait pas, ne pleurait pas et ne nous regardait pas. Ne jamais voir son enfant pleurer, c’est vraiment difficile à supporter. Plus que l’absence de rire je trouve. Mais heureusement, cela a finit par arriver. Je me souviens d’ailleurs avoir pleuré lorsque mon fils s’est mis à pleurer à nouveau après des semaines de mutisme absolu. Enfin, il communiquait d’une certaine façon! Bon, je vous rassure, il s’est bien rattrapé entre temps et maitrise parfaitement l’art du chouinage. Le rire est arrivé quelques semaines plus tard. Je m’en souviens encore. J’étais en train de le changer lorsque j’ai cru d’abord halluciner en le voyant esquisser un sourire. Mais lorsque j’ai vu que cela se confirmait, je me suis mis à hurler pour appeler ma femme qui était dehors dans le jardin. Elle est arrivée évidement en panique pensant voir une nouvelle crise. Mais non, c’était juste pour que je lui annonce cette bonne nouvelle! Et oui, vous le verrez surement à travers ce blog, nos joies de parents d’enfants handicapés sont souvent faites de choses insignifiantes pour le commun des mortels. Nous avons souvent un rapport aux choses et à la vie bien différent.

Bon, accélérons l’histoire. Nous avons eu l’immense chance de découvrir ce qu’était un EEG (Électro-encéphalogramme), un IRM, un test du caryotype, un test du super-caryotype (plus précis), de rencontrer des neuro-pédiatres, des ergothérapeutes, des orthophonistes, des psychomotriciennes, des kinésithérapeutes ou autre médecin de rééducation fonctionnelle. Mais aussi de découvrir des termes incroyables auxquels on ne comprenait rien du tout dans les comptes rendus. Ah oui, j’ai oublié de vous dire. Si vous n’avez pas un QI de 250, évitez d’avoir un enfant handicapé. C’est juste chiant. Sinon, vous allez passer des heures à faire de la traduction sur Internet pour déchiffrer ce que les médecins pensent de votre enfant. Du coup, le mieux c’est de faire médecine je pense étant donné que le médecin s’abaisse rarement à rentrer dans le même plan de communication que vous. C’est comme ça, ça leur donne un style qu’ils cultivent. J’aurais également énormément d’anecdotes amusantes à vous partager sur presque l’ensemble des mots scientifiques que je viens de vous balancer.

Mais au final, quel est le bilan de toutes ces recherches?

Nathan a eu un syndrome de West idiopathique et atypique. Si vous avez le courage, la fiche complète de la maladie se trouve ici: https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/West-FRfrPub894.pdf 

Cela veut dire que Nathan a eu toute la panoplie associée au syndrome mais tout en étant pas tout à fait pareil (je vous le dit avec mes mots à moi). Bref, son épilepsie était surement le symptôme d’une maladie plus globale. Cette maladie, on la cherche encore. Son EEG n’était pas parfait mais cela ne nous a amené à aucune conclusion particulière. Son IRM n’était pas parfaite non plus au début, mais sur les dernières, elles étaient apparemment pas si mal voir même proche d’un enfant sans souci. Nathan est petit pour son âge mais ses analyses de sang ne montrent pas de déficiences d’hormones de croissances. Il a des reflexes moyens au bout des articulations mais les tests effectués sur ses muscles à coup d’électrodes ne sont pas non plus si mauvais. Bref, à chaque fois le mystère reste entier. Je peux vous dire que nous sommes loin de la vitesse et qualité d’analyses des Experts ou de Docteur House. Soit notre système de santé est à la masse, soit on nous ment à la TV!

Aujourd’hui, j’ai conscience que notre enfant est trop compliqué pour l’état actuel de notre science. Sa neuro était d’ailleurs d’accord avec moi lors de notre dernier entretien. Il est donc rangé dans la catégorie “maladie orpheline”. C’est presque cool comme expression. Sauf que cela veut dire que personne ne s’intéressera vraiment à ce qui ne va pas chez lui car cela couterait trop cher de faire des analyses plus approfondies. Par exemple, les analyses génétiques complètes n’ont toujours pas été faites. Nous avons donné notre sang, ma femme et moi et celui de Nathan bien sûr. Le but du jeu étant d’essayer de faire des comparaisons entre nos gènes et par éliminations trouver d’éventuels gènes suspects chez lui. Cela n’a toujours pas été réalisé car apparemment cela coute cher et l’hôpital attend alors d’avoir le financement adéquat avant de se lancer. Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre. Du coup, je peux vous dire que si un jour je gagne à l’euromillion, je sais exactement quoi faire de l’argent… Je construis une structure spéciale pour les maladies orphelines de manière totalement égoïste.

Nathan a aujourd’hui un peu plus de 7 ans. Il ne parle pas, ne marche pas, ne sait pas se déplacer tout seul. Il a aussi des symptômes autistiques comme l’autostimulation ou le fait de très rarement vous regarder droit dans les yeux. Mais quand il le fait, c’est juste un moment magique! Je pense que c’est une star en fait. Il ne vous accorde que très peu d’attention directe mais quand il le fait, il le fait bien.

Sa maman s’est arrêtée de travailler pour s’occuper de lui comme malheureusement bien trop souvent dans ce genre d’histoire. La maman est d’ailleurs juste le pilier central de notre famille. Sans elle, nous ne serions rien à la maison. Je ne serais rien dans la vie. Je pense que c’est une super héros. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un de plus fort qu’elle. Pourtant, il faut savoir prendre soin de la maman car la pression physique et morale qui pèse sur ses épaules est juste insoutenable. J’en parlerais dans un autre billet.

Nathan passe aujourd’hui 3 jours par semaine dans un centre spécialisé appelée EEP et est également suivi par un SSAD (Service de Soin A Domicile) qui nous épaule depuis quasiment le début. Il y a des gens fantastiques qui travaillent dans ces organismes. Vous ne pouvez tout juste pas vous imaginer. Nathan a aussi eu la chance de pouvoir aller un peu à l’école maternelle. J’y reviendrais plus tard.

Nous avons mis beaucoup de temps avant de stabiliser notre vie au quotidien et d’assumer le fait d’avoir un enfant handicapé. Et à chaque fois que nous avons l’impression d’y arriver un peu, un nouveau truc nous tombe sur le coin de la figure en général. Le dernier en date est l’arrivée d’un corset. Mais Nathan a l’air heureux. Il se marre souvent et réclame la “bagarre” comme dit sa mère à coup de chatouillis bien placés. Il a fait quelques progrès au fur et à mesure du temps. Nous arrivons par exemple à le faire marcher en lui tenant les mains même s’il n’est pas capable de tenir l’équilibre seul encore. Il est bien plus gourmand qu’avant et c’est quand même nettement moins galère de lui donner à manger. Il gazouille un peu et raconte sa vie à sa manière. Il suit sa mère du regard partout et ces derniers temps, il ose me toucher de temps en temps mon visage avec sa petite main. Cela ne dure pas longtemps en général, mais qu’est-ce que c’est chouette!

Bon, par contre, il y a qu’un seul truc qui n’a pas changé depuis le début. Et je n’y peux toujours rien malheureusement. Il est terriblement beau ce garçon! Je ne m’en remets toujours pas.